Sintra

Sintra, c’est un peu le Versailles de Lisbonne.

Conséquence minérale du délire de quelques milliardaires en mal de romance au XIXème siècle, les jardins de Sintra sont comme les pièces confidentielles d’un gigantesque labyrinthe ésotérique. On s’y perd avec délice, on se croit le passager d’un parc d’attractions pour adultes trop gâtés. Le kitsh n’est jamais loin, mais dans toute chose un sérieux se dissimule. Car le puits qui mène aux grottes est réellement glacial et qu’à chaque pièce on trouve un symbole, une référence antique ou alchimique. Les gargouilles et le diable côtoient l’église immaculée, les fresques chevaleresques ont des amitiés pour les végétations d’Asie.

Lisbonne

En tant que voyageurs détenteurs de devises, nous participons, c’est sûr, à la touristification (gentrification par le tourisme) des lieux que nous visitons. Du coup, et c’est sans doute le moins qu’on puisse faire, on est aussi allés se rendre compte de cette réalité-là au quartier de Mouraria, réputé pour sa résistance face aux envahisseurs easyjetteurs et autres airbiandbieurs.

 

Flashback, pour le suivi chronologique de notre aventure. Notre arrivée en terre promise portugaise avait commencé par une pause confort dans un hôtel moche situé dans une ville balnéaire morne. De jeunes athlètes français squattent le lobby et sont davantage préoccupés par la qualité du Wifi que par l’environnement. Le tour au bord de la plage nous laisse découvrir un futur complexe hôtelier qui réussit à faire passer notre hôtel pour une pension de charme. On glandouille, on se recharge, on mitonne de bonnes sessions de yoga et on s’étire en cuisinant des petits plats.

Dès lors, gros changement de cap, on met la route au nord. Première fois depuis un mois. Cap vers Lisbonne, en s’arrêtant, bien sûr, pour goûter les plats du jour de la semaine gastronomique de Sao Bartolomeu de Messines.

Au passage, un petit aperçu de notre maisonnette, en ombre chinoise sur les sols roussis du Portugal : 

Notre quartier de squattage à Lisboa fut une ancienne zone industrielle en plein processus de gentrification. Ce quartier est le candidat idéal, ancien port (donc près de la mer), ancienne zone industrielle (donc plein de grands lieux vides à réaménager), pas trop loin du centre, et anciennement mal famé (donc pas trop cher). Et bingo, fleurissent les discothèques, galeries d’art, salles d’escalade et restaurants branchouilles (on en fera les frais). Eh oui, car nous aussi, jeunes bobos voyageurs, gentrifions bon train ce quartier.

Finalement, on trouve refuge dans une petite impasse, coincée près d’un couvent. Parfait pour la tranquillité.

Au Portugal il y a du carrelage aux murs (comme dit Bobo, « nous on met ça seulement dans les toilettes mais ici y en a partout sur les façades ») et des avancées ferrailleuses…

 

A la place du Commerce, l’enfer touristique commence. Rues marchandes, un tuktuk malveillant, des rabatteurs de restaurant, boutiques d’objets en plastique. On vient à la librairie Bertrand (la plus vieille du monde 1732), on mange des pâtisseries au sucre et au jaune d’œuf. En bons touristes, on admire Lisbonne depuis un parc en hauteur et on boit un Ginja. La déambulation dans le Bairro Alto est bien triste lors d’une après-midi humide. Pause dans un bar authentique avec l’anniversaire du pépé. 2ème Ginja (dont on n’arrive toujours pas à prononcer correctement le nom).

Lors de notre passage par l’église St Roch, une extase en survolant les marbres. Portraits peu flatteurs pour les anges.

 

Museu d’Arte Antigua. De belles peintures, 1 Jérôme Bosch fascinant, des paravents japonais – portugais. Et puis ces éternelles vanités, collections de morceaux humains dont les dorures chargées contribuent à renforcer l’épouvantable décomposition. Sous les bandeaux, des crânes.

 

Retour à notre quartier. Discussion avec le patron de la salle d’escalade. Brasserie artisanale qui fait, évidemment dans un quartier en pleine mutation (autre terme pour dire gentrification), de l’IPA. Un DJ , beaucoup de monde, du son Disco. Et la fameuse bière « Ne me quitte IPA ». On finit la soirée dans un restaurant qui sert un menu surprise unique : impossible de commander autre chose et découverte totale au moment où les plats sont apportés. C’était D.I.V.I.N.

Le jour d’après on reprend notre routine : Petit-déjeuner dans l’impasse, pause café au bar du coin et le bus 728 qui nous mène vers le centre. Aujourd’hui, c’est Belem. Ultra touristique. Pourquoi ? Personne ne semble le savoir, mais il vaut mieux s’y rendre pour en avoir le cœur net.

Quelques ramages glanés sur les sentiers du jardin botanique tropical .

 

Un bord de mer très touristique. Une musée d’art populaire à 11€ l’entrée, qui ne nous semble pas si populaire. On pique-nique sous une oeuvre d’art. On finira probablement dans les photos souvenir d’une vingtaine de touristes et c’est tant mieux…

Puis le ciel. Et le large.

 

Le château de Sao Jorge est bondé, on lui préférera une place derrière avec un marché aux puces. Bobo, ami de longue date, nous rejoint. Il est parti il y a plusieurs semaines de Bordeaux mais à vélo. Nos chemins devaient se croiser et ce fut à Lisbonne. Retrouvailles, bières dans les cages d’escalier. Découverte d’un bar semi-clandestin, vaste cantine fréquentée de familles et d’étudiants. Enchaînement de lieux improbables et peu chers. On rencontre des marins français en permission. De Brest à Lisbonne, il y a du chemin et ça donne soif.

On se quittera le lendemain matin. Bobo continuant vers le sud et nous repartant vers la côte et l’Espagne.

Enfin, pêle-mêle, comme d’habitude, des curiosités diverses.

 

Sevilla

Pausita à Carmona, sur les conseils de notre logeur de Carthagene. Surprenante forteresse-hôtel qui surplombe la vallée. On voit jusqu’au four solaire. Place du marché carrée et désespérément vide. Gâteaux typiques à la cannelle. Rues blanches et étroites, on est en Andalousie.

Sevilla, enfin. Pour une fois, Airbnb source de lit douillet et d’une douche euphorique. La Cathédrale de Séville et l’Alcazar sont fermées. Ruelles. Salade de poulpe et taureaux empaillés. Ruelles. Pause mini sandwich dans un café spécialisé dans le Chocolate con churros, on est toujours à contre-courant. Hall du marché en forme de parasols géants. Discussion sur l’architecture fonctionnelle. Bar à gâteaux. Pour nous ça sera bière anarchiste et liquor de hierba (ce fameux contre-courant). Discussion sur Dieu. Ajo Blanco, soupe froide locale à base d’ail, d’amande et de lait dans un bar à graillon. Le barman expert en rock et en jazz a été éduqué au rock US grâce aux bases yankees de la région. Il est soit disant incollable sur la musique. Il sera parfait quand on le teste sur quelques morceaux. Vient alors, autour du zinc, un baryton élégant et affable. La soirée est belle.

Gros dodo et desayuno au bar du coin. On achète un pistolet en plastique, va comprendre! Ce sera notre nouvelle mascotte. Seconde visite de Séville. Cette fois-ci, la cathédrale est ouverte. Majestueuse. Prends ta claque de richesse dans ta gueule de pélerin. Vue sur tout Séville.

Retour au Chocolate con churros, pour les goûter ! (cette fois-ci on est dans le bon sens du courant). On déambule et Pierre va chez le barbier (comment faire autrement?).

Plus tard, on quittera la ville pour le tant attendu Portugal. Séville nous a ébloui. Quien no ha visto sevilla no ha visto maravilla . C’est bien vrai (qui n’est jamais allé à Seville, n’a jamais vu de merveille)

Marinaleda

Malgré ces pierres suspendues et le soleil présent, les nuits sont fraîches. L’eau gèle pendant la nuit, ça caille sec sous le duvet. C’est dur Antequera. Apres quelques pains à l’huile, typiques du coin, et une église remplie de martyrs, nous stoppons à Estepa pour une grimpette jolie. Les dièdres se font adhérents, la vue est aérienne. Des milliers d’oliviers andalous nous regardent avoir bien froid quand la falaise passe à l’ombre.

Prochaine étape, Marinaleda. Une ville – utopie communiste. Bon, en fait, c’est un village complètement normal! Sauf que les rues se nomment Avenida de la Liberta, le stade de foot Che Guevera et la salle de concert est démesurée pour un village de cette taille. Une large avenue dessert des ruelles orthogonales, façon Western. On y trouve une collection de peintures murales, qui sont au final le sujet le plus intéressant de notre visite.

Des petits coucous qui viennent de partout autour du monde et certains de Notre Dame Des Landes. Une invitation à éteindre la télé et à lutter contre le capitalisme.

 

Nuit froide encore. Pause à la station-service pour faire le plein de tout (et le vide du reste). Le van a même le droit à un lavage, il est tout beau. Espérons que ça lui permette de réparer magiquement le joint de la pompe à injection qui fuit!

El Torcal de Antequera

Andalousie, je me souviens des prairies. Et je me souviens aussi de sources chaudes à Santa Fe (rien que le nom, on y est…). A quelques kilomètres de Granada, on trouve cette bourgade. Les teufeurs squatteurs la connaissent pour ses merveilles thermales, et les familles gourmandes la plébiscitent pour ses Pianonos. Ce sont des pâtisseries typiques de la région. C’est gras, c’est sucré, c’est parfait pour un lendemain de cuite. Ci-dessous, une collection phénoménale de gâteaux, les pianonos sont les derniers.

 

 

Une journée qui ressemble à une gueule de bois, parfaite pour arriver à quitter ce lieu de libations et de merveilles que fut Granada. La dernière soirée – la plus riche en rencontres, entre un barman bienveillant, un tenancier de vinothèque raffinée, hédoniste et pince sans rire avec sourire en coin, un directeur de Valeo, puant de suffisance, bouffi de certitude et enfin, un couple de chinois qui devient fan de notre duo et de nos aventures (c’en est presque gênant).

L’autre remède idéal pour la tête en cèdre, c’est un bon bain (idéalement dans une bonne auberge). Et nous y voici, à quelques collines de plus, un campement sauvage fait de vans aménagés, de camping cars allemands et de cabanes de récupération. Ce camp entoure deux sources, ravies de mettre à disposition ses eaux chaudes et presque laiteuses. L’ambiance est quasi provencalo-post-apocalyptique , Jean de MadMaxette. Surtout quand arrive, une bonne douzaine de garnements pour qui dimanche midi n’est certainement pas synonyme de repas de famille-gigot-mamie mais plutôt de fin de soirée, début d’after. On nous propose généreusement quelques condiments stupéfiants que nous refusons bien poliment.

 

 

On reprend la route vers El Torcal de Antequera. On retrouve quelques montagnes et des formations géologiques exceptionnelles. Laure sieste dans le van pendant que Pierre se perd dans un repère de pierres perchées. Coucher de soleil et lever de pleine lune -échange magnifique.

 

 

 

 

 

L’Alhambra

Décembre 2017, Grenade

Pour l’Alhambra, il fallait au moins un article à part. On y a passé trois heures, jardins, palais, on n’en a pas perdu une miette. Flânerie entouré de touristes du monde entier. Souvenirs d’une époque d’opulence et d’une région où le le mot islam n’effrayait pas le quidam par sa simple prononciation.

Harmonie entre le végétal, l’aquatique et le bâti. On reste longtemps devant une porte ou un mur. On admire le travail superbe des artisans appliqués.

Et comme c’est beau – oui, c’est beau. On vous laisse avec les images. Sans commentaires.

 

 

 

 

 

Tout ça donne envie de voyager dans le temps pour discuter avec les émissaires de l’émir d’un parchemin à transmettre de toute urgence.

Granada

Après avoir eu l’immense privilège de traverser la province d’Almeria et son inénarrable mer de serres plastique, on arrive enfin sur… Granada!

De l’art de rues, encore et toujours. Et de la couleur! Nous avons vu la maison du Banksy espagnol : El Nino de las Pinturas

Quelques vues des rues de Grenade :

Soirées endiablées de Grenade. Là-bas, pour un verre acheté, on a le tapa gratuit. Et comme on emmenait partout notre matériel à dessin, Laure a tiré le portrait de quelques serveurs. Ils étaient ravis et ils ont gardé les dessins! Verre offert en échange.

Encore plus au sud

On est malades et le van aussi. Pierre détecte une fuite de carburant au niveau de la pompe à gasoil. Ce n’est pas bon signe et ce genre de truc a une fâcheuse tendance à ne pas se réparer tout seul. On est dans un des pires endroits d’Espagne, en terme de tourisme de masse et d’aménagement immobilier. Le lac, qui devait être rose et insolite, se révèle gris et entouré d’immeubles en béton. Il y a que des anglais partout, de la zone commerciale, du lotissement médiocre. C’est ce qu’on pourrait appeler le creux du voyage. Eh oui, ça arrive aussi.

 

On se fait un peu plaisir et on s’offre une nuit paisible en airbnb. Et une douche surtout! La plupart des campings sont fermés et ceux qui restent sont gavés de camping-caristes danois. Notre logeur royal nous coûtera quasiment le prix d’un emplacement – les aboiements du bichon maltais de Grüte en moins. D’autant plus qu’on dégote une perle ! Notre hôte est adorable. Il a reconstruit toute sa maison à partir de matériaux récupérés sur des ruines. Dans cette région, l’Etat n’entretient pas du tout les monuments et tout ce qui finit en éboulis peut être récupéré par n’importe qui. Voilà le résultat :

 

Visite de Cartagena, ville un peu triste. La pluie y est sans doute pour beaucoup. La faute aux subventions qui vont à Murcia, la capitale. C’est encore notre hôte qui nous a expliqué ça. Dommage, car cette ville a une belle histoire et un chouette emplacement, avec sa côte montagneuse encore vierge et son passé romain.

 

Escapade le long de cette fameuse côte, donc. On trouve un joli port coincé entre 2 collines. Des bâtiments militaires abandonnés. On tente une promenade mais la tempête nous force à nous arrêter sous un rocher. Bref, demi-tour.

 

On verra aussi des taureaux géants (Comme tout le monde ça nous fait marrer genre « Ola que tal Espana » et puis après le 3ème on est blasés), une caverne, souvenir d’une saline de l’époque romaine, 3 petits bateaux, des filets qui font la sieste et des érosions champignonesques.

 

Valencia

Nous sommes fin novembre. Pour notre passage à Valencia, on a décidé de s’offrir une nuit d’hôtel! Douche, vrai lit, repos… Valence est pleine de curiosités architecturales, à commencer par le Musée de la céramique, dont toute la façade est en marbre. Attention, pas toucher, c’est hyper fragile!

L’art pictural n’est pas en reste, on a eu l’occasion de passer devant des graphs fabuleux, marrants, insolites.

La spécialité de la ville? La chufa, ou Horchata ! C’est une boisson sucrée à base de tubercules de souchet (une sorte d’amande qui pousse dans la terre). A déguster dans une Horchateria, avec des beignets mignons nommés fartons!

Vous connaissez l’eau de Valence? Qui n’a d’eau que le nom, d’ailleurs. Prenez de la vodka, du gin, du vin mousseux, du jus d’orange frais, quelques quartiers d’orange, du sucre de canne. Versez tout dans un pichet. Attention, c’est traître! Vaut mieux pas diluer son pastis avec.

On s’est laissés guider par le hasard, pour visiter cette ville. Voilà donc en désordre la fruit de nos découvertes : la place principale (on a oublié le nom), le bras relique de St Vincent, la plage, des tas de tranches de jambon, des boîtes aux lettres – têtes de lion, un arbre géant (un jambon offert à celui ou celle qui trouve de quelle espèce il s’agit)

Bivouac au pays des oranges

Après Barcelone on avait plutôt besoin de nature et d’air frais. On est allés s’échapper vers un spot de grimpe, non loin d’un village nommé Arboli. Pueblo catalan charmant qui prend le soleil couchant directement dans les flancs.

Après deux jours de promenades, d’escalade et de super paysages, on prend la route, toujours vers le sud. Petit écart par un drôle de village : Santa Eulalia. Une ancienne utopie socialiste. A la fin du dix-neuvième, un riche comte a construit et fondé un village presque autosuffisant avec des manufactures diverses, une église, un théâtre, une mairie. Mais l’autosuffisance n’a pas duré longtemps, les richesses du comte se sont amenuisées, le village a fané. Quelques personnes habitent encore cet espace, mais ça semble purement résidentiel. Impression globale de désolation, mausolée des années folles.

Un peu d’exploration urbaine! Nous nous sommes introduits dans la salle des fêtes. C’était tentant d’imaginer le genre de fêtes qui devaient y avoir lieu. On suppose que les gens du coin viennent maintenant dans un autre esprit, au vu des inscriptions satanistes sur les murs.