Voir, écouter et apprendre – Francischu 2

Voir des hommes nus travailler la terre.

Ecouter leurs pas sur le sol

Apprendre à trouver ça normal

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  • Voir un évier bouché par des fleurs de chêne vert.
  • Voir des traces de sangliers intéressés par les cultures vert éclatant.
  • Voir l’ arrondi des rochers de granit se découvrir, à force de coup de serpette dans le maquis
  • Voir le coucher du soleil sur la mer et le lion de Rocapina
  • Voir de belles lignes de bloc à ouvrir dans le spot du Castello à 5 minutes de marche de la communauté.
  • Voir les légumes les plus mûrs, les arracher pour les cuisiner derechef.
  • Voir le couple de loirs assoupis qui nichent dans le plastique transparent qui fait office de plafond dans les toilettes.
  • Voir une finale de coupe d’Europe dans le bar des nationalistes corses, avec en bruit de fond les engueulades normales du genre « je vais te tuer »
  • Voir avec satisfaction un champ de sorgho tout juste planté après l’avoir bêché des heures sous le cagnard.
  • Voir des daurades, des sarres et des murènes onduler sous l’eau rafraîchissante et silencieuse.

 

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  • Ecouter, incrédule, les geais imiter les milans.
  • Ecouter la guitare et les chants vibrer autour du feu.
  • Ecouter les cigales chanter sous une chaleur de plomb pour s’endormir à l’heure de la sieste.
  • Ecouter l’accent corse de Michel, le fermier voisin, pendant qu’ils nous conduit à tombeau ouvert sur la piste empoussiérée, à l’arrière du pickup.
  • Ecouter le silence plaisant d’un lieu sans électricité et sans moteur
  • Ecouter les chants d’oiseau d’un lieu sans électricité et sans moteur
  • Ecouter le vent faire un bruit feuillu dans les canisses
  • Ecouter le « houuu » puissant chaque midi; cri signifiant que le repas est prêt et que les travaux doivent se mettre en pause
  • Ecouter les brebis manger les branches coupées d’olivier, de salsepareille et de myrte
  • Ecouter le bruit de l’air, quelques dizaines de secondes après le passage d’un avion à basse altitude, qui fait comme une ligne de fouet venteux (le lieu est à 500m de l’aéroport de Figari).
  • Ecouter le feu éblouissant quand on ajoute un tas de branches sèches et croquantes

 

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  • Apprendre ce que sont une houe et une serfouette
  • Apprendre à vivre sans horaire mais seulement avec le soleil
  • Apprendre à bricoler sans l’aide d’énergie non humaine et faire des trous à la chignole
  • Apprendre à vivre en commun tous les jours avec 10 personnes
  • Apprendre à regarder et dessiner
  • Apprendre à se comporter sans argent et en pleine autonomie
  • Apprendre à ne pas vomir quand on vide des toilettes sèches
  • Apprendre à faire de la voile avec un mentor qui a une voix à 20 décibels et un accent allemand
  • Apprendre à vivre comme un homme raisonnable et en harmonie avec son environnement
  • Apprendre, puis se taire

 

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La première personne (ou presque) que nous avons vue, c’est un vieil homme nu sur un vélo. Reinhardt, le fondateur de la communauté.

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La deuxième personne la plus ancienne, c’est Jule (prononcer Youle). Elle ne se déplace dans Francischu qu’accompagnée d’une armée de chats maigres. C’est elle qui trait les brebis. Son fils, Kisaja, est un adolescent de 15 ans. Elise et Romain sont arrivés trois ans plus tôt. En tant que woofeurs. Et ne sont jamais repartis. Ils ont eu une petite fille, Lilas, dont nous allons bientôt fêter les 2 ans, et qui répète souvent : « quoi? » ou « quoi ça? ». Ils vivent tous les trois dans un kerterre milieu de Francischu.

Il y a des cabanes au milieu des arbres, des potagers répartis dans divers endroits du maquis. La cuisine est dehors, on fait la vaisselle sous le soleil, on mange avec les chenilles. Pas d’électricité, pas d’eau chaude (ni fraîche, d’ailleurs).

Pour ce qui est des légumes, la communauté est entièrement autonome – exceptés les oignons parfois. Ils font aussi beaucoup de conserves. Au petit-déjeuner et au dîner, nous mangeons de délicieux fromages de brebis que Reinhardt prépare le matin, après la traite. Il y a tous les niveaux d’affinage et tous les types, que ce soit le yaourt, le fromage frais, le brocciu ou la tomme. 

Le pain, c’est aussi nous qui le faisons. Il y a une journée pain, environ une fois par semaine. La veille, nous moulons le blé, grâce aux moulins manuels – c’est plutôt sportif. Au matin, il faut allumer le four à pain très tôt pour être sûrs qu’il soit suffisamment chaud au moment de la fournée. La pâte est réalisée avec du vrai levain. Comme la farine est très complète, il faut que la pâte soit liquide pour lever. C’est pourquoi nous faisons cuire les pains dans des moules. Et on profite aussi de la chaleur du four pour faire plein de pizzas! 

Le soir, nous allumons de grands feux avec les ronces défrichées dans le maquis. C’est le moment de jouer de la guitare et de chanter. Romain nous a fait découvrir certaines de ses compositions – c’est beau. Deux autres woofers sont avec nous : Mike, qui est là depuis plus d’un mois et Naomi, qui est arrivée presque en même temps que nous. Naomi est une hollandaise philosophe et littéraire, elle chante superbement. Elle a fêté son anniversaire il y a quelques jours et me confiait en riant qu’elle n’aurait jamais imaginé que la première chose qui lui arrive, ce matin-là, soit la bise d’un vieil homme tout nu.  

Et puis, il y a des tortues partout. Elles ont tendance à se servir allègrement dans le jardin, alors nous devons les mettre dehors à chaque fois que nous en trouvons une. Par curiosité, nous dessinons au marqueur des numéros sur leur carapace, pour voir si ce sont les mêmes qui reviennent. Et puis avec le temps, nous leur donnons des petits cœurs et leur inventons des prénoms.

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Et puis comme on se sent particulièrement bien ici, et qu’on en a encore pour 15 jours, on vous en dira bientôt davantage sur la communauté Francischu!

Corse

On a retraversé la France d’ouest en est. Passage éclair par Genève et gravitation autour de nos lieux préférés :  bains des Paquis, Grottes et Galerie.
On continue l’aventure en bonne compagnie (papa, maman de Pierre) et on repasse par le Vaucluse – vins rouges puissants. Enfin nous arrivons à Nice et remontons une fois de plus la vallée de la Vésubie. Le van est toujours présent, légèrement récalcitrant, la batterie est quasiment à plat. Une fois la sueur froide épongée, nous embrassons les parents de Pierre, et leur disons au revoir.
Ferry à Nice. La mer est bleu-velours, il y a des touristes russes en marcel et tatouage, et ça s’alcoolise allègrement pour passer le temps.
Bastia, on est là! – Pas le temps (ni l envie) de visiter – on file au bord de la mer. Petite plage déserte et première baignade, nocturne.
Le lendemain nous continuons vers le sud de l’île. Au passage on s’arrête pour prendre un couple d’Allemands en stop. Marieke et Flo. Il s’avère un peu plus tard qu’ils vont à la même communauté que nous! Pause déjeuner sur la plage masque/ tuba en guise de sieste. Pause touristique à Porto Vecchio, sans grand intérêt. Après de longues recherches, on trouve une place pour la nuit. C’est encore au bord de l’eau, au milieu du maquis.
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Marieke et Flo restent avec nous. Flo est obsessionnel du bleu, il randonne complètement nu et joue de la basse. Il nourrit une passion sans faille pour le bleu – tout ce qui est bleu. Marieke sculpte sur bois, elle rit souvent. Nous arrivons dans les alentours de Bonifacio avec une certaine appréhension. Derrière les collines, une gigantesque fumée. Ça brûle, et c’est exactement là-bas qu’on va. Et la mer est bleue.
Bonifacio, découverte de la ville magnifique, si on met de côté la partie St Trop’ degueu. Vieille ville qui nous rappelle Games of Thrones. Autour, ce sont des falaises, façon Étretat. La mer est toujours immensément transparente avec ses roches jaunes et ses sables lunaires.
On se sépare pour la nuit car nos covoitureurs ont rencontré une famille allemande qui les invite sur leur bateau. Finalement, ils se feront déposer sur la plage à côté de notre destination : la Communauté de Francischiu (ou Francky Chou, comme dirait Marieke). Du bateau stop. Nous c’est Pertusato, roche de craie dure, abîmes de vent. Session tuba phénoménale avec myriade de daurades et banc de poisson.
Au village, sans prétention et voisin, la charcutière du Spar est passionnée. Elle nous offre une dégustation quasi intégrale et nous concocte un dernier apéro en amoureux avant de faire le pas vers la communauté.