Les Châteaux d’Eric

Imaginez, perché sur une petite colline, un fouillis de vigne et de végétation. Juste devant, deux deux-chevaux. Une blanche, une rouge. Cabossées, vieilles et toussottantes, mais encore vivantes! Et puis derrière les entrelacs de feuilles et de branches… Le château!

Réunion de cabanes 5 étoiles, entièrement construites a partir de récupération de portes anciennes, de fenêtres hautes, de vieilles poutres de bois tors. Le monde d’Éric est peuplé de tourelles et de recoins, plein-rabord de trouvailles en tout genre. On y a d’ailleurs été reçus comme des princes. Notre suite royale : un temple bouddhiste. Champagne à l’arrivée, champagne au départ. Excellent vin les autres soirs.

Et ce qu’on y faisait? La construction du château numéro 2 quelques mètres en contrebas. Appelé celui-là Petit Château (de dimensions bien moindres). Deux jeunes woofeuses nous ont rejoint pendant une semaine. On était donc 5 sur le chantier. Il a fallu poncer des brassées de planches et monter des solives approximatives en prenant toujours bien garde à ne pas abîmer les arbres fruitiers alentours. Très gratifiant d’assister à l’assemblage d’un parquet, à la mise en place de fermes et enfin, à la pose d’un toit!

Notre journée-type : réveil 7h30, session yoga de 30 min, petit-déjeuner puis au boulot! Durant le chantier, nous prenons aussi soin du jardin : élagage d’abricotier, confection d’arroseur-doseur pour les autres arbres, désherbage pour futur poulailler, terrassement à la pioche. Pause thé vers 11 heures, avec délicieux gâteaux. Puis nous reprenions nos activités jusqu’à 13 heures. L’après-midi, nous avions quartier libre. Seuls les deux derniers jours ont été complets, histoire d’avancer des tâches pour lesquelles il fallait être plusieurs.

On a aussi assisté et participé à un spectacle rare. Eric fabrique des fromages. Tous les jeudi soirs, il fait sa tournée pour les vendre. La deux-chevaux la plus vaillante (la blanche) est réquisitionnée. On se fait installer a l’arrière comme deux gosses. Devant, ce sont Eric et les fromages, et roule ma poule! Cahin-caha, pétaradant, couissant, crinant, nous voilà bondissant par collinettes, au milieu des vignes, des chênes et des bocages, à la rencontre des amis d’Eric.

Entre les maisons de campagne, les hameaux de vieilles pierres, les maisons fabuleuses et les domaines viticoles, on se fait inviter à chaque fois! Et de nous faire visiter les lieux, les jardins, les salons. Au domaine (Au Vent d’Autan), on se voit offrir toute une dégustation, ainsi que deux bouteilles à demi entamées. Arrêt suivant, on nous offre des parts de pizza, et puis l’apéro. Du coup, on sort les bouteilles de l’arrêt précédent. Au final, la tournée des fromages a duré trois heures et on n’a pas fait plus de 20 kilomètres! Mais on s’est bien amusés! Et on rencontré des personnages extra : un couple de hollandais qui n’a pas semblé insensible à notre charme de main d’œuvre gratuite, un responsable des partitions de l’Opéra de Paris, qui jouait de la flûte de Pan, une ancienne responsable de la Confédération paysanne, mélomane et vigneronne retraitée, un vigneron qui entend revendre ses quartiers (négociation a partir de 650 000 euros, pour les motivés), un couple de grimpeurs – rénovateurs de vitraux, un paysan à la retraite renfrogné, et enfin le producteur du lait de chèvre, chez qui on est venus chercher le lait nécessaire à la prochaine confection, et la boucle est bouclée!

Thanks a Lot (et Garonne)

Après avoir quitté Garza Loca, on a roulé vers l’ouest, direction Cahors. On a profité de cette transition pour grimper un peu, faire des balades et visiter les marchés locaux. Joli site de bloc de Cregols, Pierre boucle le parcours bleu (niveau moyen) pour se remettre en jambe. Ça ne monte jamais très haut (3 mètres maximum) mais le danger vient du sol. On a croisé un beau serpent bicolore!

 

Alors voilà quelques photos en vrac. Le Lot, à quelques encablures de Saint-Cirq-Lapopie. On a dormi a côté d’une écluse. L’occasion de discuter avec des vacanciers en péniche, nostalgiques de leur ancien T3.

 

Cahors : on y a rencontré une libraire  qui nous a tenu un discours passionné sur les premières éditions des livre de poche. Discours efficace, d’ailleurs, puisqu’on l’a dévalisée – beaucoup de Giono. On a aussi servi d’attraction à un petit train de touristes, avec un guide non moins disert.

 

Et puis quelques photos bucoliques en vrac.

 

Bisous à tous 🙂

Garza Loca – le plan

Pour clôturer ces 10 jours dans le collectif aveyronnais, notre quatuor de mains habiles a concocté un plan du tonnerre. Bien entendu, rien n’est exact et à l’échelle (on n’a pas la lévitation infuse) mais tout est soigneusement stylisé.

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Le musée de l’insolite

Quelque part entre la rivière Célé, la route goudronnée et la falaise, il y a un de ces fameux lieux qu’on aime découvrir. Rempli de poussière, d’objets de récupération et de bricole, le musée de l’insolite a enchanté notre journée.

Créé et maintenu par Bertrand, un soixantenaire barbu, le musée de l’insolite existe depuis 1988. On y trouvera autant d’objets extraordinaires qu’il y a d’idees folles dans le cerveau de leur createur : Voiture écartelée, enclume suspendue à un plafond de roche de 60 mètres de haut, fausse pub, blague douteuse, toile (d’araignée) à vendre.


Au fond du jardin, derriere ce fatras creatif, Michel Herbaut a installe son atelier de l’Estampe. Ce lieu de travail contient un atelier de lithographie et de xylographie.

Les Hauts Parleurs

Si d’aventure votre route passe par Villefranche de Rouergue et que vous avez encore du temps entre une bouchée d’aligot et la visite de la vieille ville, alors passez voir Les Hauts Parleurs. Ce lieu alternatif accueille l’association du même nom, et en fait un endroit culturel polymorphe comme on les aime. On pourra déguster un repas du midi les jours suivants :

    • jeudi ==> repas du marché
    • vendredi ==> tartine
    • samedi ==> galette

En plus d’être bon et frais, c’est cuisiné et servi par une équipe de bénévoles top niveau, rigolarde, et dont la moyenne d’âge excédait à peine les 70 ans ce jour-là. En plus de se remplir le ventre, on peut faire pareil pour son cerveau avec la possibilité de se procurer le dernier fakir ou de consulter le Monde Libertaire. Pour les astigmates qui ont oublié leurs lunettes ou ceux qui veulent laisser aller leur regard, on pourra déguster la galerie. Ces temps-ci, ce sont des collages à message tendance féministe ou politique qui recouvrent le mur. L’artiste ne manque pas d’humour.

En plus de tout ça, l’asso propose un programme de concerts à décoiffer n’importe quelle crête iroquoise. La salle de concert est à peu près grande comme 4 placards à balai mais l’ambiance est chaude.

Les hauts parleurs
34 Rue Alibert, 12200 Villefranche-de-Rouergue, France
+33 9 80 90 73 09
https://goo.gl/maps/X16yACbEYAR2

Garza Loca – feelings

Une ferme vivante et nombreuse

Dites 33! On a fait le compte : la semaine où nous avons vécu au sein du collectif, nous avons vu et parlé avec un total de 33 humains. Si on retire le club des 6, ça fait précisément 28 visiteurs. Après, on reparlera des campagnes isolées et de l’ennui profond qui menace…

Parmi eux, il y avait les 3 travailleurs de l’atelier, 1 stagiaire en maraichage, 1 frérot coup de mano maraicher, 2 anciens compagnons, 3 assistantes maternelles et leur collection de bambins curieux, Maurice le voisin moustachu – yeux malicieux – blague taquine, un de la famille garzienne à la retraite, 2 amis maraîchers et voisins, la famille et les amis de passage. Mais quels sont les ingrédients d’une telle vivacité?

L’entraide

Tout d’abord, d’un métier à l’autre, on se complète. Par exemple, les forgerons fabriquent une pièce utile pour bricoler le bois. Ensuite, les maraîcher-e-s se soutiennent mutuellement. Par exemple : B. vend sa production sur un gros marché de la région. Il n’a pas assez de tomates pour assurer le coup ou ses haricots ne sont pas encore récoltés. Alors, on fournit ce qui manque pour compléter sa devanture. Tout le monde est content. L’un vend toute sa production sans bouger et l’autre a un bel étal. Autre exemple, S. est « djeuste » en ce moment entre toutes ses tâches : récoltes, désherbage, marche… Alors, on prend une demi-journée pour l’aider à revenir à la surface et reprendre sa respiration.

Plus encore que cette aide informelle, 2 piliers soutiennent les maraîchers. Tout d’abord, » Saveur paysannes » le magasin de producteurs de Villefranche de Rouergue. Associations entre paysans des environs qui vend au grand public leurs bons produits (fruits et légumes, fromage, viande, vin,…) Pas de centrale d’achat, pas de supermarché, pas de marge sucrée par les intermédiaires et davantage d’autonomie. L’autre institution est la confédération paysanne. Ce fameux syndicat médiatisé grâce a la moustache de José Bové. Le syndicat peut arbitrer en cas de conflits potentiels, voir organiser la mobilisation.

A Garza Loca, on n’est pas dans le militantisme monoculaire et flottant. On sent que la sensibilité politique est forte et que l’engagement se matérialise par une solide organisation. Aboutissement logique de tout ça, les légumes produits possèdent le label « Nature & Progrès ». C’est un label bio mais vraiment écologique (contrairement à l’étiquette AB qui n’en est plus à un compromis près). Et ça prend en compte les critères sociaux et la manière dont on travaille. Allez faire un tour sur le site officiel pour en savoir plus.

Le compagnonnage

C’est l’aventure fondatrice du collectif Garza Loca. La plupart se sont rencontrés lors de leur expérience de compagnonnage. Pas grand chose à voir avec le délire corporatisto-elitiste des compagnons du Tour de France. Cette formation permet de vivre des expériences.

Le compagnonnage alterne immersions en entreprise, regroupements et groupes-action. L’immersion est un temps de séjour dans une entreprise. Elle dure 5 semaines. Il s’agit pour le compagnon de partager l’activité d’une équipe et de chercher, par un questionnement actif, à en comprendre le fonctionnement.

Les regroupements durent de cinq à dix jours et se déroulent en Ardèche et dans le Limousin. C’est le temps de la mise en commun des expériences, le temps des débats sur les thèmes qui préoccupent les compagnons.

Les groupes-actions sont des périodes d’expérimentation à proprement parler. Si, durant les immersions, le compagnon se retrouve en posture d’observation (tout en participant au quotidien du collectif) et analyse un fonctionnement déjà en place, durant les groupe-action, 5 à 8 compagnons se retrouvent sur un lieu dans l’objectif de réaliser un chantier en prenant en charge l’organisation de sa réalisation mais aussi l’organisation de la vie quotidienne, des rythmes de travail, etc.

 Nos compères se sont donc liés pendant cette période et les liens restent forts avec le réseau. Preuve en est, lors de notre séjour, une compagnonne ayant officié à Garza vient passer quelques jours parmi la bande. Puis un duo d’affiliés (dont un ancien formateur) sera de passage. On a senti que l’unité est puissante.

Est-ce une conséquence de cette expérience? Nous avons perçu qu’un effort est porté sur la communication. Il y a beaucoup d’écoute entre les participants. Les mots sont choisis et on ne blesse pas avec une parole mauvaise. Si quelque chose ne fonctionne pas, on le dit et on propose une alternative. Les rencontres hebdomadaires servent aussi a régler ces conflits inhérents à la vie en collectivité.

Le réseau associatif local

Quelques associations interagissent dans le cercle gravitationnel de Garza Loca. Tout d’abord, les Haut Parleurs sorte de Galerie aveyronnaise à laquelle on dédiera un article bientôt. Il y a aussi le Lotus Blanc, association de soignants et thérapeutes. Le collectif organise les rencontres occitano-tziganes dans la ferme. Quand un événement se prépare, ils sont dans le coup. Pendant notre séjour, nous sommes passés au festival de cinéma en plein air de Najac. L’ambiance est gaillarde et on sent que tout ce petit monde se connait, se côtoie, discute et se trinque les coudes. C’est beau un réseau ruralo-amical en été.

Ici on vit une vie bien remplie, tous ensemble, en harmonie. On observe un bel exemple de ce qu’on peut faire pour améliorer le monde : réinvestir les métiers, se rendre collectivement propriétaires de nos ateliers, terrains, machines, et avoir plein d’ami-e-s!

Garza Loca!

La campagne aveyronnaise, vous connaissez? A vrai dire, on n’en avait pas tellement entendu parler avant avril 2016, date à laquelle on a fait notre premier petit voyage de prospection des alternatives en France. Alors maintenant qu’on a vraiment du temps devant nous, et comme on avait beaucoup aimé les rencontrer la dernière fois, on est retournés voir le collectif de Garza Loca!

Cette fois, nous n’étions plus dans une communauté, mais dans un collectif : l’objectif, c’est de partager le lieu de vie et de travail, d’en être collectivement propriétaires. Les Garziens ont entre 27 et 30 ans, ils ont constitué le collectif en 2012 et se sont installés ensemble il y a 4 ans.

Pour acheter les lieux, ils se sont constitués en SCI (Société Civile Immobilière, pour celles et ceux qui n’aiment pas les acronymes). L’aspect légal de ce genre de choses est très important, même si à première vue, c’est moins glamour que la communauté corse. Il y a ensuite plusieurs statuts juridiques, en fonction des activités des unes et des autres. Entrepreneurs et statuts agricoles divers. En plus de cela, ils ont une association, La Tambouille, qui gère l’accueil aux publics, l’organisation des fêtes, l’événementiel en tout genre et le compagnonnage (réseau REPAS, on vous laisse aller jeter un œil). Par mois, chacun-e donne une certaine somme pour la cagnotte commune, ce qui permet de payer toutes les factures (eau, électricité), assurances, courses, travaux, etc…

C’est le club des 6 ! Une psychomotricienne, un charpentier, un herboriste et deux maraîchers avec une chienne nommée… Loca. Deux autres personnes viennent aussi travailler régulièrement (un métallier et un charpentier). Ils occupent l’atelier pour un loyer modeste et ne vivent pas sur le lieu.

Il y a aussi plein d’autres activités : des pâtissons à la russe, des poules, des abeilles, des festivals, des conférences gesticulées… C’est tout un monde autour du collectif, un vaste réseau associatif, local et moins local, ainsi qu’un tissu d’entraide et de militantisme bien dynamique. On est bien loin de l’image répandue de trou du cul du monde isolé, on vous en parlera en détails bientôt.

In situ, ça donne : un terrain de 4 hectares avec 7 serres, un atelier gigantesque avec machines pour la charpente et la métallerie. Une salle de transformation (pour conditionner les plantes, les transformer en tisanes, liqueurs, conserves), un séchoir pour l’herboristerie, une salle des fêtes, un corps de ferme principal avec des pièces communes, des chambres et un dortoir pour les visiteurs. Un camping est prévu pour les années  à venir.

Durant la journée, chacun se consacre à son activité professionnelle. Chaque semaine, ils ont une grande réunion (d’abord, un tour de table pour savoir l’humeur de chacun, puis discuter de l’accueil et répondre à diverses questions d’ordre logisitque : qui fait à manger? quels jours? qui utilise les voitures? qui s’occupe des tâches ménagères, des courses, etc?) Ils ont aussi des réunions de fond, qui abordent de sujets plus vastes et plus abstraits : des thématiques telles que la propriété ou finance. Enfin, ils dédient une réunion mensuelle à la comptabilité.

Nous avons aidé pour le maraîchage (juillet, c’était le moment de récolter tomates, concombres, blettes, pâtissons, oignons) et la préparation des légumes pour le marché.

Et puis nous avons aidé pour un chantier : la construction d’une mezzanine dans le hangar atelier pour créer un atelier pour le collectif (hors professionnel). Ça a été l’occasion d’apprendre à faire un étage, poser chevrons et solives, larder des clous, manier une perceuse de dimension Godzilla et déguster 300 kilocalories de poussière…

Le reste du temps, Pierre s’est lancé dans la construction d’un coffre multifonction pour le van et Laure a travaillé sur la plaquette de présentation de notre plan d’avenir (on vous en parle d’ici quelques mois).

Ils ont aussi une réserve phénoménale de BD, un rétroprojecteur, et ce sont des joueurs passionnés. On ne s’est jamais ennuyés le soir! Enfin, on y a appris énormément de choses et on sent qu’on a fait des pas de géants dans notre cheminement. Difficile de les quitter. On reviendra, c’est certain.

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