Japon – suite et fin

Après cinq jours de randonnée dans la forêt, je finis trempé, le dos endolori et les pieds meurtris. Pour peaufiner mon karma, quelques jours de villégiature ne seront pas du luxe, avant d’entamer une semaine de festivités urbaines.

Kushimoto :

Je prends mes quartiers dans un bungalow proche de la mer, tout au sud de la péninsule du Kii. C’est le point le plus au sud de l’île principale du Japon, Honshu. J’essaie d’étaler mes affaires au mieux. Il pleut toujours depuis 24 heures maintenant. Je prends un bain chaud et bleu avec des canards en plastique… Les émissions TV sont complètement débiles. J’hésite entre consternation et fascination. C’est en résumé ce qu’on ressent quand on visite le Japon…

Ici, on se croirait en Bretagne, mise à part cette chaleur humide et assommante (surprenante pour un mois d’octobre). Sinon, c’est pareil : phares, rochers granitiques, crabes…

J’emprunte un vélo et pars faire le tour de la presqu’île. Je grimpe les marches d’un phare, je saute de rocher en rocher et j’oublie de tremper mes pieds dans l’eau. Pause à une tour d’observation pour constater que la Terre est bien ronde. Le coin est réputé pour la pêche à la baleine. Il y a mëme un panneau explicatif sur la pratique, comme quoi c’est pas grave, c’est une tradition. Dans une boutique, je trouverai des crackers à la baleine.

Je continue mon tour en marquant des pauses aux endroits curieux : un terrain de crocket-golf pour joyeux retraités, un petit port de pêche, un abri anti-tsunami, une vue sur un pont spirale.

Arrêt chez le barbier. C’est épique car personne ne parle de langue commune. Je dis juste « Shotari koto » (coupez un peu). A force de gestes et de dessins, j’obtiens la coupe désirée et de magnifiques favoris. Je ressemble  un à vrai gars des années 70. Deux choses m’étonnent : 1. ils ont une machine pour faire de la mousse à raser (et pas de bombe) et 2. je me fais raser le front… Le patron me coiffe avec application. C’est ça qui est fou au Japon : le mec pourrait s’en soucier comme de sa première paire de baguettes de me faire une belle coupe de cheveux. Il sait qu’il ne me reverra pas et il a toujours l’excuse de la barrière linguistique. Mais non, il s’applique comme si c’était LA coupe de sa vie. J’ai même droit à un nettoyage de lunettes aux ultra-sons! Je ressors étourdi de détente et de soin.

Je continue le long de la mer. Je trouve une barre rocheuse splendide. Un type avec une caméra de pro tient absolument à me prendre en photo. Le soleil couchant je dois rentrer. A mon arrivée a l’hôtel, je trouve mes vêtements pendus en train de sécher (alors que je les avais laissés tout bêtement posés dehors). Les proprios m’expliquent qu’ils ont fait une machine et se sont occupés de tout!!

Kushimoto, le lendemain :

Baignade, histoire de dire que je me suis baigné dans le Pacifique. La température est bonne. Je retourne à la barre rocheuse pour mieux l’apprécier. C’est marée basse alors je louvoie dans la roche et que j’observe la vie des crustacés.

Retour à Osaka par le train. Dans quelques heures, les premiers convives et amis de Maxime arriveront et ça va faire mal.

Le reste du récit ne sera que bribes de textes piochés au hasard de mon carnet.

Osaka et les environs la semaine suivante :

Repas avec les futurs mariés et trois bons parisiens dans les arcades de Tenjinbashi Suji. La soirée finit sur une baston entre deux clients : mec contre fille devant le restaurant. Ultra violence dans la rue, à base de genou dans la figure. On est choqués!

Un couple aixois et jeune parent nous rejoit le lendemain. Leur fille d’un an à peine est la star des rues d’Osaka. 54 « Kawai » à la minute.

Une sortie bloc en nature dans les environs avec Max. Occasion pour lui de couper son portable et de souffler un peu du stress du mariage

Enterrement de vie de garçon. Moment pas agréable à mon goût lors de la 1ère partie. Tout d’abord, Hooters, resto degeu et américain avec des serveuses à décolleté. L’ambiance chauffe avec les pintes. On traverse la ville pour aller dans un bar à striptease. C’ est horriblement affreux. On raque pour un « spectacle » et une bière. Une nuée de japonaise en bikini afflue à notre table, pour nous dire « bonjour ». Des gros dégueulasses anglophones les pelotent autant que faire se peut. Moment ignoble de domination masculine par l’argent. Je sors rapidement, davantage saoulé par le spectacle que par les bières. Je me sens triste et anormal.

Au Pure, on danse comme on peut et on boit comme on veut. On rit et on rentre à pas d’heure.

Le lendemain, on vide nos toxines dans l’onsen sur les toits d’un immeuble.

Dimanche :

Le dimanche à Kobe, c’est le jour du mariage On se fait beaux comme jamais. Tous en costard, les pourraves portent mal leur nom. On s’agglutine dans le train pour Kobe. Quartier huppé, restaurant français, beaucoup de fourchettes, cérémonie par un faux prêtre anglais. Maxime est ému et tendu. On sort étourdis de vin, de chaleur et d’émotions. Une bande de trentenaires en costume ne passe pas inaperçue dans Kobe… J’ai l’impression que tout le monde apprécie bien cette notoriété illégitime.

Puis, cocktails et bouffe à gogo. Pause au Glicoman. Cannettes de bière dans la rue. Batteur sur bidon plastique. Concert rock de papys dans pub anglais. Les survivants de la soirée finissent à manger dans un restaurant de Takoyaki (boulette chaude avec du poulpe). Fin au karaoke. On chante à pleins poumons du Céline Dion, du Scorpion et du Nirvana. La seule chanson française qu’on trouvera : « Tombez la chemise ». Hem.

Lundi :

Parc. Captain Tsubasa stadium (Olive et Tom en français). Session truandage de zombies en réalité virtuelle. C’est génial, c’est 2017. Fin au pub, bières et partie de billard minable.

Mardi :

Plage. Château de sable, boomerang (dans les doigts de Toni), gaijinettes qui font le pélican et pépé pervers. Le soir, resto classe a Umeda, avec Polo, le tonton de Max, ancien flic et réservoir d’anecdotes d’un temps révolu à base de pots de vin et de tournage de films spéciaux.

Mercredi :

Sushi train. C’est génial et c’est pas cher. Gavage de sushis. 13 assiettes!

Salle arcade, shopping de derniers souvenirs.

Tout ça finit dans un avion à côté d’un bébé qui ne pleure pas. Joie

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Kumano Kodo – jours 3 à 5

Résumé de l’épisode précédent : l’intrépide que je suis s’en va sur les chemins de la montagne japonaise. 1er jour, je deviens serveur de sashimis et le 2eme, j’ai maille à partir avec un macaque. Quelle sera la suite?

Hongu, jour 3 :

Après une nuit glaciale et humide, je me lève aux aurores. Thé noir et marrons grillés à la flamme de mon pauvre réchaud. Je fais un paquetage ultra léger et laisse tout le reste de ma vie dans ma tente. C’est le bon côte du Japon, ça ne craint rien. J’aurais pu même laisser un billet de 10 000 yens posé sur la tente, qu’il n’aurait pas bougé. Traversée de Yunomine Onsen, village thermal orné par une rivière qui sent l’oeuf. De fait, la coutume est de faire cuire des oeufs dans les sources chaudes et d’en faire offrande aux esprits.

 

Nouvelle portion de chemin sacré. La tradition de cette petite portion de 5 km est de faire le pèlerinage père et fils, enfant sur les épaules, sans toucher terre. J’imagine la situation du père qui glisse sur une racine humide et tombe avec l’enfant. Honte sur 9 générations et seppuku (suicide rituel des samouraïs) de rigueur !

 

Passage par le lieu originel du temple dans le lit de la rivière (et donc forcément détruit par des inondations, bizarre..) et par la plus grande arche (Tori) du Japon (du monde?))

 

Passage obligé par le Kumano Hongu Taisha, but du pèlerinage. Beaucoup, beaucoup de monde, mais c’est très beau. Dans l’endroit le plus sacré, il y a une cérémonie (mariage?) et des mecs avec oreillette aux quatre coins (des Yakuzas?). Dans ce lieu, on vient pour laver son âme des âneries de la vie précédente et de la présente.

 

Je reprends la route à contresens de la majorité. Je fais marrer ceux que je croise avec mon gros sac, ma coupe de samouraï et mon bâton en bambou. Beaucoup me posent des questions, me demandent d’où je viens. Au début, ça me fait marrer et après je m’esquive vite. On sort un peu de la forêt pour une zone plus agricole. Je croise une bande de singes qui harcèle les toits des fermes. On trouve des cabanes avec vente de prune salée en libre service avec la tirelire à côté. J’en achèterais bien si ça n’était pas aussi infect. Je croise un serpent, que je soupçonne d’être un mamushi (vipère mortelle du Japon).

 

Puis finalement, Hoshinmon oji. Petit temple final de ma visite. Je recroise le couple qui m’avait aidé deux jours auparavant (« Lucky Boy »). On discute et on se prend en photo. Je mange mon bento avec un nippon de circonstance. Puis je digère et attends le bus en dessinant le temple.

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Retour au campement et départ pour une auberge ce soir. Sur le chemin, j’utilise une passerelle. Elle me parait peu utilisée, au vu du nombre d’orties présentes dessus. Au milieu, je comprends que les écriteaux en bas devaient vouloir dire « Danger ne pas utiliser ». ça serait bête d’avoir évité les ours et les serpents mamushi, pour mourir sur une passerelle. Heureusement, mon oeil secret me protège.

Auberge agréable et traditionnelle. De l’autre côté de la rivière, que je vois depuis ma fenêtre, il y a un onsen en extérieur. Je m’y délecte à la tombée du jour (ou de la nuit).

 

Utegawa, jour 4 :

Au début de l’étape du jour, l’ambiance est superbe. Je longe la rivière et les bords fument à cause de l’eau thermale qui en sort. ça bouillonne même par moment.

 

La matinée sera une belle ascension dans la forêt. Que des gaijins (étrangers), j’hallucine. Arrivé au camping final, je ne trouve personne. Je pars à la recherche aux informations. Je trouve deux pêcheurs qui pique-niquent, ils comprennent rien à ce que je dis mais m’offrent … une bière. Je tourne dans les parages et je trouve un spot à barbecue, mais façon japon. High Tech. Les petits coins pour faire le feu, des petits pots à disposition pour déplacer les charbons vers les tables. Et sur ces tables, il y a un creux intégré pour pouvoir barbecuter peinard assis. Mise en place de ma couche, j’en profite pour faire une vidéo.

Place au onsen, dormais quotidien. Je rejoins les convives dans le lodge, qui est aussi la réception du camping, un hôtel, et une ancienne école. 80% de gaijins. L’après-midi, l’ambiance est étrange. Tout le monde rôde dans le village alors que chacun sait qu’il n’y a rien à faire. Tout le monde se connaît car on s’est croisés sur le chemin mais personne n’a envie de se parler. En tout cas pas moi. Je suis hors sujet. Le seul à dormir dans une tente, le seul tout seul, le seul qui mange des ramens deshydratés et pas le super plat du jour… Bref, je mange mes nouilles en compagnie du couple « Lucky Boy ». Je commence à comprendre que Madame Keiko est malade des bronches et fait le voyage pour guérison. J’en demande pas plus.

 

Kugochi, jour 5 et dernier jour :

Réveil très tôt car l’itinéraire du jour est difficile. A 6h, une sirène retentit dans le village. C’est un exercice et pas un missile (dixit le type de la réception). Ce même type qui me trace un plan du village AVEC UNE REGLE !! pour m’expliquer comment prendre le bus.

Revenons au départ, il fait nuageux. Je pars pour la dernière et la plus dure journée de trek. 16km et 1300m de dénivelé. ça se déroule bien je gère mon rythme et la pluie. Au  début gentille, puis de plus en plus énervée. ça commence comme une petite blague puis ça devient une humiliation persistante. Quelques heures de marche, puis une pause qui est à peine agréable car tout est mouillé.

Giono écrivait que le plus dur était de marcher la nuit avec ses soucis. Je pense qu’il ne devait pas connaître marcher sous une pluie battante, chargé comme une mule, ambiance brume façon Silent Hill, sur une montagne nommée « La demeure des morts ». Glups.

Finalement, j’arrive à Nachi San. Je lâche un bon « Yata » (j’ai réussi) des familles. Visite des temples humides, difficile d’y  prendre goût. C’est pourtant superbe. Je ne ferai même pas l’effort d’aller voir la cascade, la plus haute de tout le Japon.

 

Kumano Kodo – jours 1 et 2

En goguette à l’autre bout de la Terre, une furieuse envie de nature et de solitude m’a pris. Je me suis décidé à partir pour cinq jours de randonnée dans les montagnes japonaises. Armé d’un sac à dos, d’un bâton en bambou et de deux onigiris, voici mon récit.

Le Kumano Kodo est le St Jacques de Compostelle japonais. Situé au sud d’Osaka, dans la péninsule du Kii, c’est un pèlerinage sacré qui mène à trois temples majeurs de la spiritualité japonaise. Ces chemins sont pratiqués depuis plus de mille ans. Il y a plusieurs parcours possibles. Celui que j’ai fait dure cinq jours, partant de Takijiri, pour finir à Nachi en passant surtout par Hongu Taisha, le lieu saint. C’est la route dite de Nakahechi, celle qu’aurait suivi le premier empereur du Japon, guidé par un corbeau à trois pattes.

Takahara, le 29.9 :

Ce matin l’aventure commence dans le dédale de bus et de trains en direction du Kumano Kodo. Le paysage alterne ville, zone industrielle et bord de mer. Petit à petit moins de gris et plus de vert. L’excitation nerveuse aura raison de ma fatigue, pas de sieste dans le train.

A Takijiri, je prends des informations auprès de la guichetière. Il ne semble pas y avoir d’ours. Quand je pose la question du camping sauvage, elle prend l’air contrarié des japonais. Cet air qui signifie « Non, mec, ça se fait pas. Tu devrais le savoir. Mais je vais rester évasif pour ne pas perdre la face. » Après que j’aie insisté un peu, elle ne répond plus que par « I don’t know ». On dirait un bot dans un jeu vidéo, que tu as énervé par les mauvaises actions et qui bloque toujours sur la même phrase. Je fais le touriste et je repars avec un bâton en bambou et une amulette de protection.

Premier temple. C’est beau mais j’ai tout de même un truc dans les tripes qui ne va pas. Le fait d’être tout seul, l’environnement complètement différent, le son  des insectes et oiseaux inconnus, les frelons géants. Bref, je ne suis pas au top.

Arrivé à Takahara, je visite le beau temple avec des camphriers taille Baobab en décor. Je repère un bout de terrain plat pour mettre ma tente. J’en avise deux pèlerins qui arrivent, pour connaître leur avis sur le sujet. Le fameux sourire crispé. Par le truchement du hasard (ou du pouvoir de l’amulette), un type passe en voiture (ha oui précision, on est bien paumé dans les montagnes). La femme du couple lui demande un spot pour ma tente. Et le gars dans la voiture, tout grand et tout pataud façon Goofy, me sourit et me dit « Come in the car ». « You are a lucky boy » me dit la pèlerine. Je pars je ne sais où.

J’arrive dans un hôtel. Le patron est super sympa. Il me montre un endroit plat avec vue superbe à côté de sa cabane. Je l’entendrai plus tard jouer de la guitare. Près de moi, un vieux coupe des bûches à un rythme très calme. Le patron me montre les toilettes (« Japan Hi Technology »), l’eau… et me propose même le onsen. Travaillant dans cet hôtel, qui accueille principalement les touristes-pèlerins, il y a un couple d’italiens wwoofers. J’offre mes services aussi et me voilà embauché comme serveur. Tout le monde est sympa et m’offre à manger. C’est dingue!

Watazane Onsen, le 29.9 :

Levé aux aurores, je plie ma tente sans bruit. J’arpente la forêt avec mon gros sac, pas très rassuré à l’idée de croiser un ours (merci Max). Je ne vois aucun humain pendant trois heures de marche. Assez fou de marcher comme ça tout seul. Le sentier est splendide, les troncs sont droits comme des colonnes. Il y a beaucoup de spiritualité. Plein de pensées viennent dans ma tête et c’est bien. Je croise une biche qui s’enfuit. ça me donne des sueurs froides. Je pense a Giono et sa dualité fascination / terreur face à la nature. Je suis en plein dedans.

Tsugizakura. Temple superbe entouré de cèdres millénaires et majestueux. Pause thé dans un bâtiment traditionnel. « Puis-je camper? » et le fameux sourire « je suis gêné, nanana.. » Finalement, la taulière m’indique un lieu à quatre kilomètres du village dans la forêt. Je suis fatigué comme jamais mais je me dis que je n’ai pas le choix.

Le spot est chouette mais bien isolé et proche d’une maison abandonnée. J’installe mon campement et j’entends une branche craquer pas loin. Bizarre… Je m’approche et je vois un animal de taille moyenne qui se faufile dans les branches. Ourson? Singe? ça grogne et ça grogne sévère. Je prends mes jambes à mon cou et me voilà hors d’atteinte. Le singe (c’en est un, j’en suis sûr) secoue son arbre comme un diable pour m’intimider. Je suis comme un idiot et je vois les sacs de bouffe, qui doivent le mettre dans cet état. Je me dis que si je ne fais rien, il va se carapater avec mon 4h et ma nourriture pour les jours à venir. Précision : je suis sur une section où il n’y a plus de superette avant 1 jour et demi de marche…

J’y retourne et décide courageusement de ne pas rester dans le coin. Après tout, je ne suis qu’un visiteur sur son territoire. Je reprends mon paquetage et rejoins une route pas loin de là. Miracle, il y a un arrêt de bus. Je prends le premier qui vient. Il me fait gagner un jour de marche et me pose près d’un camping. Le bain chaud du onsen ce soir là me fit un bien fou.

 

Japon!

Contextualisons un peu, nous sommes fin septembre 2017. On vient de finir une boucle complète, un tour des alternatives rurales en France. On recharge les batteries près d’un lac Suisse entouré de montagnes. On pourrait dire que nous terminons la partie 1 de Moustaroot.

Sauf que Maxime, un ami de Pierre se marie tout bientôt avec Nozomi, une japonaise … et donc à Osaka ! Impossible de rater ça et prétexte rêvé pour faire péter son bilan carbone, en toute mauvaise conscience. Billet en poche pour le Japon (pays mélange de tradition et de modernité sic!) , je pars seul pour une semaine de randonnée sereine dans la nature et une semaine de festivité décadente dans la ville. Pour conter cette aventure, je prendrai des extraits de mon livre de bord, agrémentés de dessins et photos de circonstance. Changement de style.

 

Quelque part au dessus de Zurich 

L’accélération de la carlingue bringuebalante fait duo avec le son puissant des deux moteurs gigantesques. L’horizon s’incline; l’apesanteur fait un soubresaut. L’avion décolle. La vue sur Genève de nuit est superbe. Les fils de lumière reproduisent la carte que je m’en fais. Les bandes d’ombre laissent imaginer le Rhône, l’Arve ou quelques prés survivants. Ensuite les classiques : films pourris, jus de tomate, sommeil inexistant, nuque douloureuse.

Quelque part entre la Corée et le Japon

Dans l’aérogare de Pékin, l’errance aura duré quelques heures. Le décalage horaire, linguistique et culturel me frappe en pleine poire. Je me perds dans les couloirs, j’attends inutilement au mauvais guichet, derrière 5 russes dans la faiblesse de l’âge. Les moments agréables furent : la sieste dans une capsule prévue à cet effet et manger des ailerons de poulet.

Pendant le vol, la carte indique que nous volons au dessus de la Corée Je regarde en direction de Pyong Yang, sans voir la trace lumineuse d’un missile intercontinental. Je suis presque déçu. Sur la mer de Corée, les bateaux de pêche forment une constellation du zodiaque inversée.

Mes voisins de voyage s’obstinent à me parler japonais. Les deux seules choses que j’ai comprises : 1- ils habitent sur l’île de Shikoku. 2- Ils sont ravis que je fasse le Kumano Kodo (randonnée – pèlerinage d’une semaine) tout seul. Sugoi!!!!

 

 

Osaka

Je suis arrivé à l’autre bout de la Terre. Après quelques galères dans le labyrinthe des contrôles aéroportuaires, je suis sorti de la bête. Le passage scan des empreintes + photos fait un peu flipper. On entre dans le cocon doux de la surveillance de masse. Tout va bien si tu te tiens à carreau mon enfant. Bientôt, je rejoindrai Max pour lui partager mes saucissons d’Ardèche et mes odeurs de bras.

Retrouvailles joyeuses et arrosées. Réveil créatif, on se dessine les uns les autres en buvant de la soupe de maïs (!). Session bloc indoor (escalade en salle) et système de quotation incompréhensible. Achat d’un mini réchaud et d’une clochette pour faire fuir les ours. Après insistance de Maxime, je suis convaincu par la clochette. Je me demande si ça ne lui fait pas plus plaisir qu’à moi. On déambule dans les rues marchandes comme des consommateurs.

 

 

Moment Onsen. Les onsens ce sont les bains thermaux japonais. Ultra présents dans la culture et très démocratisés, tout la société japonaise y va (à part les clochards et les yakuzas) et ce tout au long de la journée.

On commence par les saunas respectivement a 60 et 85 degres. Sueurs à grosses gouttes. On passe de pièce en pièce, variant les températures et les concepts : hyper chaud, allongé sur des galets, pièce tapissée de sel de l’Hymalaya, bains avec un sachet de thé géant (genre 5kg). Il y a aussi une bibliothèque remplie de mangas, il doit y en avoir au moins 500. On en choisit un et on se pose sur des tatamis, profitant du calme et de nos corps relaxés. Les gens sont autour assis à des occupations calmes et délassantes comme la sieste, la lecture ou la TV.

22H, c’est l’heure de l’attraction. Dans un sauna bien chaud et humide, trois employés entrent. Autour de la source de chaleur, assises en rond, une dizaine de personnes attendent. Après un discours, le trio agite des serviettes. La chaleur est assourdissante (!). Pour parfaire le tout, ces malandrins passant devant nous, pour fouetter la serviette en direction de la gueule. Prends tes 80° en faciale. On sort de là, à la fois soulagé et apaisé.

La suite se passe dans la partie aquatique. Hommes et femmes séparés car on va se devêtir et ça ne dérange personne (de retirer ses sapes). Primo, on prend une bonne douche. Et oui, on ne va pas foutre nos miasmes dans le bain commun. Séries de bains, certains en extérieur. Il pleut, l’ambiance est incroyable. Nous sommes tous nus, tout le monde se sent bien. Je regarde un japonais posé sur une pierre, une jambe dans l’eau chaude et la tête sous la pluie. Il regarde l’onde dans le vague. Je me demande à quoi il pense.

Maxime va dans le sauna pour une nouvelle expérience maso-thermale. Je l’attends dans un énorme pot de grès, pouvant contenir un petit olivier. Mais rempli d’eau chaude et non de terre et de racines. Deux employés invitent tout le monde  à entrer dans la pièce pour prendre tarif. Je fais signe que j’ai déjà eu ma dose. Ils sont devant la porte, l’un parle a l’autre. Il se retourne, me regarde, parle à son collègue. Et ils se marrent. Le premier vient me voir « You should come. Best attraction! » Je fais non mais je rentrerai tout de même, quelques minutes après, poussé par la curiosité. C’est pire que la fois d’avant. Ils sont armes d’éventails géants. Je ne tiens pas longtemps le supplice et fonce dans un bain d’eau froide.

 

 

Bien entendu les photos ne sont pas de moi, étant donné, évidemment, que les appareils photos sont interdits dans les onsens.

Dernier resto de poisson. Je fais le plein de produits déshydratés pour tenir les premiers jours d’aventure. Ma nuit est agitée, je ne trouve pas le sommeil. Je pense aux ours. Je regarde des infos sur le net concernant les ours. ça me rassure moyennement : 16 morts l’an passé, des cadavres défigurés… ça m’inquiète plus encore que pour les frelons géants… Je dors quelques heures, je me rattraperai sous la tente demain.