Garza Loca – le plan

Pour clôturer ces 10 jours dans le collectif aveyronnais, notre quatuor de mains habiles a concocté un plan du tonnerre. Bien entendu, rien n’est exact et à l’échelle (on n’a pas la lévitation infuse) mais tout est soigneusement stylisé.

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Garza Loca – feelings

Une ferme vivante et nombreuse

Dites 33! On a fait le compte : la semaine où nous avons vécu au sein du collectif, nous avons vu et parlé avec un total de 33 humains. Si on retire le club des 6, ça fait précisément 28 visiteurs. Après, on reparlera des campagnes isolées et de l’ennui profond qui menace…

Parmi eux, il y avait les 3 travailleurs de l’atelier, 1 stagiaire en maraichage, 1 frérot coup de mano maraicher, 2 anciens compagnons, 3 assistantes maternelles et leur collection de bambins curieux, Maurice le voisin moustachu – yeux malicieux – blague taquine, un de la famille garzienne à la retraite, 2 amis maraîchers et voisins, la famille et les amis de passage. Mais quels sont les ingrédients d’une telle vivacité?

L’entraide

Tout d’abord, d’un métier à l’autre, on se complète. Par exemple, les forgerons fabriquent une pièce utile pour bricoler le bois. Ensuite, les maraîcher-e-s se soutiennent mutuellement. Par exemple : B. vend sa production sur un gros marché de la région. Il n’a pas assez de tomates pour assurer le coup ou ses haricots ne sont pas encore récoltés. Alors, on fournit ce qui manque pour compléter sa devanture. Tout le monde est content. L’un vend toute sa production sans bouger et l’autre a un bel étal. Autre exemple, S. est « djeuste » en ce moment entre toutes ses tâches : récoltes, désherbage, marche… Alors, on prend une demi-journée pour l’aider à revenir à la surface et reprendre sa respiration.

Plus encore que cette aide informelle, 2 piliers soutiennent les maraîchers. Tout d’abord, » Saveur paysannes » le magasin de producteurs de Villefranche de Rouergue. Associations entre paysans des environs qui vend au grand public leurs bons produits (fruits et légumes, fromage, viande, vin,…) Pas de centrale d’achat, pas de supermarché, pas de marge sucrée par les intermédiaires et davantage d’autonomie. L’autre institution est la confédération paysanne. Ce fameux syndicat médiatisé grâce a la moustache de José Bové. Le syndicat peut arbitrer en cas de conflits potentiels, voir organiser la mobilisation.

A Garza Loca, on n’est pas dans le militantisme monoculaire et flottant. On sent que la sensibilité politique est forte et que l’engagement se matérialise par une solide organisation. Aboutissement logique de tout ça, les légumes produits possèdent le label « Nature & Progrès ». C’est un label bio mais vraiment écologique (contrairement à l’étiquette AB qui n’en est plus à un compromis près). Et ça prend en compte les critères sociaux et la manière dont on travaille. Allez faire un tour sur le site officiel pour en savoir plus.

Le compagnonnage

C’est l’aventure fondatrice du collectif Garza Loca. La plupart se sont rencontrés lors de leur expérience de compagnonnage. Pas grand chose à voir avec le délire corporatisto-elitiste des compagnons du Tour de France. Cette formation permet de vivre des expériences.

Le compagnonnage alterne immersions en entreprise, regroupements et groupes-action. L’immersion est un temps de séjour dans une entreprise. Elle dure 5 semaines. Il s’agit pour le compagnon de partager l’activité d’une équipe et de chercher, par un questionnement actif, à en comprendre le fonctionnement.

Les regroupements durent de cinq à dix jours et se déroulent en Ardèche et dans le Limousin. C’est le temps de la mise en commun des expériences, le temps des débats sur les thèmes qui préoccupent les compagnons.

Les groupes-actions sont des périodes d’expérimentation à proprement parler. Si, durant les immersions, le compagnon se retrouve en posture d’observation (tout en participant au quotidien du collectif) et analyse un fonctionnement déjà en place, durant les groupe-action, 5 à 8 compagnons se retrouvent sur un lieu dans l’objectif de réaliser un chantier en prenant en charge l’organisation de sa réalisation mais aussi l’organisation de la vie quotidienne, des rythmes de travail, etc.

 Nos compères se sont donc liés pendant cette période et les liens restent forts avec le réseau. Preuve en est, lors de notre séjour, une compagnonne ayant officié à Garza vient passer quelques jours parmi la bande. Puis un duo d’affiliés (dont un ancien formateur) sera de passage. On a senti que l’unité est puissante.

Est-ce une conséquence de cette expérience? Nous avons perçu qu’un effort est porté sur la communication. Il y a beaucoup d’écoute entre les participants. Les mots sont choisis et on ne blesse pas avec une parole mauvaise. Si quelque chose ne fonctionne pas, on le dit et on propose une alternative. Les rencontres hebdomadaires servent aussi a régler ces conflits inhérents à la vie en collectivité.

Le réseau associatif local

Quelques associations interagissent dans le cercle gravitationnel de Garza Loca. Tout d’abord, les Haut Parleurs sorte de Galerie aveyronnaise à laquelle on dédiera un article bientôt. Il y a aussi le Lotus Blanc, association de soignants et thérapeutes. Le collectif organise les rencontres occitano-tziganes dans la ferme. Quand un événement se prépare, ils sont dans le coup. Pendant notre séjour, nous sommes passés au festival de cinéma en plein air de Najac. L’ambiance est gaillarde et on sent que tout ce petit monde se connait, se côtoie, discute et se trinque les coudes. C’est beau un réseau ruralo-amical en été.

Ici on vit une vie bien remplie, tous ensemble, en harmonie. On observe un bel exemple de ce qu’on peut faire pour améliorer le monde : réinvestir les métiers, se rendre collectivement propriétaires de nos ateliers, terrains, machines, et avoir plein d’ami-e-s!

Garza Loca!

La campagne aveyronnaise, vous connaissez? A vrai dire, on n’en avait pas tellement entendu parler avant avril 2016, date à laquelle on a fait notre premier petit voyage de prospection des alternatives en France. Alors maintenant qu’on a vraiment du temps devant nous, et comme on avait beaucoup aimé les rencontrer la dernière fois, on est retournés voir le collectif de Garza Loca!

Cette fois, nous n’étions plus dans une communauté, mais dans un collectif : l’objectif, c’est de partager le lieu de vie et de travail, d’en être collectivement propriétaires. Les Garziens ont entre 27 et 30 ans, ils ont constitué le collectif en 2012 et se sont installés ensemble il y a 4 ans.

Pour acheter les lieux, ils se sont constitués en SCI (Société Civile Immobilière, pour celles et ceux qui n’aiment pas les acronymes). L’aspect légal de ce genre de choses est très important, même si à première vue, c’est moins glamour que la communauté corse. Il y a ensuite plusieurs statuts juridiques, en fonction des activités des unes et des autres. Entrepreneurs et statuts agricoles divers. En plus de cela, ils ont une association, La Tambouille, qui gère l’accueil aux publics, l’organisation des fêtes, l’événementiel en tout genre et le compagnonnage (réseau REPAS, on vous laisse aller jeter un œil). Par mois, chacun-e donne une certaine somme pour la cagnotte commune, ce qui permet de payer toutes les factures (eau, électricité), assurances, courses, travaux, etc…

C’est le club des 6 ! Une psychomotricienne, un charpentier, un herboriste et deux maraîchers avec une chienne nommée… Loca. Deux autres personnes viennent aussi travailler régulièrement (un métallier et un charpentier). Ils occupent l’atelier pour un loyer modeste et ne vivent pas sur le lieu.

Il y a aussi plein d’autres activités : des pâtissons à la russe, des poules, des abeilles, des festivals, des conférences gesticulées… C’est tout un monde autour du collectif, un vaste réseau associatif, local et moins local, ainsi qu’un tissu d’entraide et de militantisme bien dynamique. On est bien loin de l’image répandue de trou du cul du monde isolé, on vous en parlera en détails bientôt.

In situ, ça donne : un terrain de 4 hectares avec 7 serres, un atelier gigantesque avec machines pour la charpente et la métallerie. Une salle de transformation (pour conditionner les plantes, les transformer en tisanes, liqueurs, conserves), un séchoir pour l’herboristerie, une salle des fêtes, un corps de ferme principal avec des pièces communes, des chambres et un dortoir pour les visiteurs. Un camping est prévu pour les années  à venir.

Durant la journée, chacun se consacre à son activité professionnelle. Chaque semaine, ils ont une grande réunion (d’abord, un tour de table pour savoir l’humeur de chacun, puis discuter de l’accueil et répondre à diverses questions d’ordre logisitque : qui fait à manger? quels jours? qui utilise les voitures? qui s’occupe des tâches ménagères, des courses, etc?) Ils ont aussi des réunions de fond, qui abordent de sujets plus vastes et plus abstraits : des thématiques telles que la propriété ou finance. Enfin, ils dédient une réunion mensuelle à la comptabilité.

Nous avons aidé pour le maraîchage (juillet, c’était le moment de récolter tomates, concombres, blettes, pâtissons, oignons) et la préparation des légumes pour le marché.

Et puis nous avons aidé pour un chantier : la construction d’une mezzanine dans le hangar atelier pour créer un atelier pour le collectif (hors professionnel). Ça a été l’occasion d’apprendre à faire un étage, poser chevrons et solives, larder des clous, manier une perceuse de dimension Godzilla et déguster 300 kilocalories de poussière…

Le reste du temps, Pierre s’est lancé dans la construction d’un coffre multifonction pour le van et Laure a travaillé sur la plaquette de présentation de notre plan d’avenir (on vous en parle d’ici quelques mois).

Ils ont aussi une réserve phénoménale de BD, un rétroprojecteur, et ce sont des joueurs passionnés. On ne s’est jamais ennuyés le soir! Enfin, on y a appris énormément de choses et on sent qu’on a fait des pas de géants dans notre cheminement. Difficile de les quitter. On reviendra, c’est certain.

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Frankichou 3 : une journée typique

Après quelques articles dans lesquels nous avons partagé nos sensations, nous avons voulu décrire ce qu’est une journée « classique » au cœur de la communauté Francischu.

Aux aurores : traite des brebis. Un peu tard levés, nous n’y avons assisté qu’une seule fois. La plupart du temps ce sont Jul (prononcer Ioule) ou Romain qui s’en chargent. Les brebis se bousculent pour se faire traire, parce que c’est aussi l’occasion pour elles de grignoter une poignée de maïs !


Peu après : avec le lait frais, Reinard confectionne une tomme, du fromage ou du yaourt (suivant son envie, la chaleur ou les diverses réclamations). Nous le retrouvons souvent devant la cuisinière, absorbé par le journal des infos allemandes, capté sur une petite radio à piles. Ensuite avait lieu la préparation de la nourriture pour les chats (avec les déchets de viande ou de poisson que nous ne manquions pas de demander au spar du coin – babylone, pour les frankichois). Petit à petit, chacun se réveille pour le petit-déjeuner. Classique café, tartines de confitures et de fromage frais. 

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Avant qu’il ne fasse trop chaud, nous vaquons à diverses activités. Débroussaillage de maquis et taille d’olivier : il faut élaguer au maximum pour contenir un éventuel incendie. Ce qu’on a coupé, on le donne aux brebis (salsepareille, olivier), le reste est empilé pour le feu du soir. Sinon nous faisons quelques réparations (en l’occurrence celles des vélos et du portail). Jardinage et bûcheronnage sont aussi au programme. Pendant ce temps, certains s’occupent de préparer le repas, ce qui prend facilement quelques heures : aller chercher du bois pour la cuisinière, se promener dans le jardin pour faire son marché, repérer ce qui est mûr, ce qui est encore bon, récolter diverses herbes aromatiques… La cuisinière fonctionne au bois, il faut anticiper toutes les étapes de la cuisson ! Ajouter de petits fagots pour mettre le feu vif ou fermer la porte du foyer pour baisser la température. 

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Midi : ceux qui ont préparé le repas crient un HOU de ralliement, auquel repondent – HOU – ceux qui ont entendu. On mange tous ensemble. Souvent des pommes de terre, des choux, des haricots et des sauces à base de fromage de brebis.

Après-midi : on fait la sieste le plus souvent. Lecture pour ceux qui ne veulent pas dormir, parties d’échecs ou bien guitare et activités artisanales. On a quelques fois préféré fuir vers la plage et s’étaler sur le sable, plonger ou pêcher des mulets. Vers 16h ou 17h, on reprend tranquillement les activités. Certains vont planter le sorgho dans le champ de l’enfer (pas d’arbre, un soleil qui tombe droit sur le crâne) : c’est une céréale idéale pour le fourrage des brebis. D’autres désherbent les plantes aromatiques ou ramassent des patates. Il y en a même qui construisent des buttes permanentes en rotin d’olivier, ce qui permettra de faire pousser des carottes dans une terre suffisamment sableuse.

Le soir : nous arrosons systématiquement tout le jardin avec plusieurs tuyaux et réservoirs. Ce qui prend environ une heure. On en profite aussi pour laver les humains, au tuyau-douche au milieu des tomates et des figuiers. Il faut rentrer les brebis dans l’étable, les poules dans le poulailler et les canards dans la mare. Une fois que tout le monde est bien rangé, qui sur son duvet, qui sur foin, on se réunit à nouveau à la grande table pour le repas du soir. Celui-là reste froid (on s’économise de la cuisine, de la vaisselle et du bois) avec des tartines de confiture, de fromage ou de pâté d’agneau. Ensuite on organise un vaste plan d’évasion pour contrer le filet de moustiques qui nous est tombé dessus : direction Le coin du feu. Et nous organisons des flambées spectaculaires avec les amas de ronces arrachées plus tôt du maquis. Ce sont des feux contenus, bien sûr, éloignés de toute végétation. Passé 22h et le dernier avion de l’aéroport, voisin, la plupart des frankichois sont couchés.

 

Il y avait aussi des journées spéciales. Une fois par semaine, tout d’abord, celle de la confection du pain. Une autre fois, nous avons fêté les 2 ans de Lilas : sortie sur une colinette superbe, constituée d’un dédale de pierres rondes et concaves, d’environ 7 mètres de haut. Pierre a trouvé de belles lignes dans le rocher, qui en feraient un terrain de jeux idéal pour le bloc (escalade). Le 21 juin, nous avons aussi organisé une mini-fête de la musique (à l’occasion de laquelle nous avons monté une petite scène de concert et invité quelques habitants de la communauté voisine). Nous avons joué et dansé un bonne partie de la nuit.

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Nous sommes désormais loin de Francischu. Pour donner une impression générale de notre rencontre, nous tenons a dire que c’est l’une de nos meilleures expériences de woofing. Cela tient surtout aux frankichois, avec lesquels nous nous sommes très bien entendus, mais aussi à la beauté mystico-soleillée des lieux. Aux chansons, sans doute aussi. Nous avons hâte d’y retourner – accompagnés de toi, vous, nous – volontiers!

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La première personne (ou presque) que nous avons vue, c’est un vieil homme nu sur un vélo. Reinhardt, le fondateur de la communauté.

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La deuxième personne la plus ancienne, c’est Jule (prononcer Youle). Elle ne se déplace dans Francischu qu’accompagnée d’une armée de chats maigres. C’est elle qui trait les brebis. Son fils, Kisaja, est un adolescent de 15 ans. Elise et Romain sont arrivés trois ans plus tôt. En tant que woofeurs. Et ne sont jamais repartis. Ils ont eu une petite fille, Lilas, dont nous allons bientôt fêter les 2 ans, et qui répète souvent : « quoi? » ou « quoi ça? ». Ils vivent tous les trois dans un kerterre milieu de Francischu.

Il y a des cabanes au milieu des arbres, des potagers répartis dans divers endroits du maquis. La cuisine est dehors, on fait la vaisselle sous le soleil, on mange avec les chenilles. Pas d’électricité, pas d’eau chaude (ni fraîche, d’ailleurs).

Pour ce qui est des légumes, la communauté est entièrement autonome – exceptés les oignons parfois. Ils font aussi beaucoup de conserves. Au petit-déjeuner et au dîner, nous mangeons de délicieux fromages de brebis que Reinhardt prépare le matin, après la traite. Il y a tous les niveaux d’affinage et tous les types, que ce soit le yaourt, le fromage frais, le brocciu ou la tomme. 

Le pain, c’est aussi nous qui le faisons. Il y a une journée pain, environ une fois par semaine. La veille, nous moulons le blé, grâce aux moulins manuels – c’est plutôt sportif. Au matin, il faut allumer le four à pain très tôt pour être sûrs qu’il soit suffisamment chaud au moment de la fournée. La pâte est réalisée avec du vrai levain. Comme la farine est très complète, il faut que la pâte soit liquide pour lever. C’est pourquoi nous faisons cuire les pains dans des moules. Et on profite aussi de la chaleur du four pour faire plein de pizzas! 

Le soir, nous allumons de grands feux avec les ronces défrichées dans le maquis. C’est le moment de jouer de la guitare et de chanter. Romain nous a fait découvrir certaines de ses compositions – c’est beau. Deux autres woofers sont avec nous : Mike, qui est là depuis plus d’un mois et Naomi, qui est arrivée presque en même temps que nous. Naomi est une hollandaise philosophe et littéraire, elle chante superbement. Elle a fêté son anniversaire il y a quelques jours et me confiait en riant qu’elle n’aurait jamais imaginé que la première chose qui lui arrive, ce matin-là, soit la bise d’un vieil homme tout nu.  

Et puis, il y a des tortues partout. Elles ont tendance à se servir allègrement dans le jardin, alors nous devons les mettre dehors à chaque fois que nous en trouvons une. Par curiosité, nous dessinons au marqueur des numéros sur leur carapace, pour voir si ce sont les mêmes qui reviennent. Et puis avec le temps, nous leur donnons des petits cœurs et leur inventons des prénoms.

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Et puis comme on se sent particulièrement bien ici, et qu’on en a encore pour 15 jours, on vous en dira bientôt davantage sur la communauté Francischu!

La Ferme de Keréré

Comme on ne faiblit pas, le maraîchage est de mise, y compris loin de notre itinéraire.

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Nous avons passé une semaine dans le Morbihan, à 200 mètres des côtes atlantiques. A Locmariaquer, exactement. C’est une ferme avec une jument de trait (Aza) et deux veaux. Mais aussi un cochon, des poules, des oies, des chiens, des chats …

Richard nous y accueille. Il a notre âge, il s’occupe seul de la ferme et chaque jour des voisins, amis, stagiaires ou woofers viennent lui donner un coup de main.  Il fait pousser sous serres et en extérieur. Pendant le temps où nous l’avons accompagné, nous avons planté et récolté betteraves, fèves, tomates, oignons, radis, courgettes, concombres, tournesols. Il pratique la culture permanente sur butte. Ce qui fait que nous avions de larges plate-bandes surélevées, parsemées de légumes divers, placés en fonction de leurs affinités mutuelles.

Nous avons appris à créer des buttes, avec paillage, fumier (de boeuf ou de volaille comme le bouillon), calcaire, granulés.  Il y a un ordre précis, qui n’est sans doute pas celui que vous venez de lire. Richard est très fier de sa production bio et sans pesticide ajouté. Nous apprenons aussi beaucoup de choses sur la région, à commencer par le fait qu’il n’y a pas eu de vraie pluie (15 jours d’averses) à Locmariaquer depuis deux ans. Ce qui n’est pas sans poser problème pour une terre humectée d’eau salée. La ferme possède aussi une serre de semis, ça permet de faire ses propres plantons. Ainsi, Richard peut être plus indépendant vis à vis de ses fournisseurs et aussi faire commerce de plantes et de fleurs aux beaux jours. De quoi améliorer le quotidien.

Mais la ferme de Keréré, c’est surtout beaucoup de monde qui gravite. A commencer par Arnaud, l’inséparable acolyte. Ami bienveillant, il est toujours prêt à sortir les bêtes, faire des boutures ou déboucher une bière. Si on veut connaitre les horaires des marées, c’est à lui qu’il faut le demander, car il les a toujours dans sa poche. On trouvera Maelle, la voisine qui vient de lancer sa ferme de plantes aromatiques. Elle passe donner un coup de main le vendredi matin en échange d’un panier de légume. De l’échange social et local, sans passer par une AMAP. Il y a aussi Aurore, qui possède quelques chevaux pas loin, Benoît, qui effectuait son stage, Agathe, qui manie vaillement la fourche et pratique la méditation à base de désherbage de liseron, Emilie, la woofeuse-skipper… Et nous avons aussi eu la chance de rencontrer la famille Fantastic. 2 parents et 4 enfants très énergiques, vivant tous dans une caravane. La discussion commence vite et les points communs affluent. Ils ont le projet de monter une ferme de maraîchage et sont à la recherche de terres. Leur prochaine destination est le Maroc. Ils sont très décroissants, proches de la Terre, et ils font l’école aux-mêmes à leurs enfants.

Ici, tout rappelle la mer et la Bretagne : le drapeau breton, les pirates, la musique… bretonne forcément, les ballades en bateau vers les îles isolées. Le premier matin, nous sommes réveillés par un hélicoptère qui tourne auprès de la côte à la recherche de naufragés. Il faut savoir qu’à l’entrée du golfe du Morbihan, le courant est exceptionnellement puissant. Ce serait le 3ème courant le plus puissant d’Europe.

Les journées sont organisées de la sorte : début à 8h30, travail jusqu’à 13h30, puis apéro et déjeuner. Après, nous avons quartier libre. C’est génial, ça nous laisse plein de temps pour faire les touristes, vive le woofing.

Nous sommes allés bien sûr visiter Carnac ( un site megaltihique majeur bien encadré derrière ses jolis grillages de lotissement banlieusard), et puis la forêt de Brocéliande.

Nous ne savions pas que la région pullule de menhirs et autres dolmens. A tel point d’ailleurs qu’on en trouve dans les jardins, derrière les maisons, dans les caves (sous quelques couches de béton car de telles découvertes ont vite fait de classer le terrain comme non-constructible).

On a arpenté de long en large l’île aux Moines et vus ses beaux paysages.

On a découvert le vieux port breton de St Goustan, situé dans un ria.

Et on a visité Rennes, le parc du Thabor et sa roseraie splendide.

Et quand nous ne sommes pas les genoux dans la terre ou les yeux dans le granit, nous apprenons à ouvrir des huîtres plus vite que notre ombre (enfin, on s’entraîne encore), nous goûtons du chuféré (jus de pomme + miel fermenté – sorte de cidre puissance 4. attention ça réchauffe) et des bières locales au sarrasin. Ne surtout pas faire mentir les traditions locales!

On repart après une semaine seulement, mais en ayant appris énormément sur le métier. On se dit au revoir, en se disant qu’on reviendra mais pour une fois ça n’est pas une politesse, on y croit vraiment. Ce n’est pas un patron qu’on quitte mais ce sont des des amis, avec qui nous reviendrons bien volontiers manger des galettes et boire une Telen Du à la santé de la ferme de Keréré!

Anjou

On quitte notre plan de route et notre chère maison roulante. Avion, pour changer.

C’est un petit détour pour la douceur angevine, la chaleur familiale et les vins de Saumur. Pays tout à fait charmant, peuplé de maisonnées cubiques à frises et frontons, qu’on dirait découpées dans des châteaux puis disposées çà et là parmi des champs submergés de coquelicots, de renoncules et autres menthes sauvages. On y croiserait des poupées. La Loire est à deux pas, qui nous fait comme un avant-propos de la mer (que nous verrons quelques jours plus tard…).

La Vésubie

Chamboulement dans nos plans, parce qu’il y a un imprévu. Un peu comme le maraîchage en fait. On fait des plans, on prévoit des cultures et des récoltes. Et puis c’est le soleil qui manque ou bien le tracteur qui est en panne. Alors on change d’histoire. Pareil, pour notre voyage. Avant de dévier un peu du cours de l’aventure, on profite de la vallée de la Vésubie.

C’est beau la Vésubie. On apprend le nissart. On goûte la torta di blea et la pluie méditerranéenne. On observe les chamois qui prennent la pause – familiers. On mange de la socca et on boit de la bière à la socca. On se gave d’escalade, de vtt et de randonnées. On n’oublie surtout pas d’évoquer la grandeur d’âme d’Eric Ciotti. Natif de la vallée. 

 

Les réponses aux questions existentielles qu’on se pose

Alors voilà les réponses décisives aux questions fondamentales posées précédemment.

  • Comment fait-on le plein avec un tracteur?
    • Les agriculteurs peuvent acheter du carburant détaxé. Un livreur vient remplir une citerne dans la ferme. De fait, pas besoin pour eux d’aller au Super U faire le plein. Le fuel est donc à disposition directement sur place.
  • Comment fait-on du miel de sapin?
    • Le miel de sapin est en fait du miellat. Celui-ci vient de pucerons qui se nourrissent de la sève du sapin. Les abeilles traient ces insectes au lieu de butiner. Il n’y a pas toujours de pucerons. La production est très aléatoire. On dit que c’est en général, une fois tous les 3 ans. Donc, ce miel n’est pas du simple degueulis d’abeille, mais bien du degeuli de traite de pucerons. Peu importe, c’est très bon et puissant en goût.
  • Quelle est la différence entre chamallow, marshmallow et guimauve?
    • Marschmallow : nom anglais de la guimauve / Guimauve : nom français des marshmallows / Chamallow : nom donné par Haribo à la guimauve.
  • Pourquoi les vieux marchent avec les mains dans le dos et aiment regarder les travaux dans la rue?
    • On n’a toujours pas la réponse à ces deux questions passionnantes. Concernant les mains dans le dos, on aime l’explication de Thomas qui dit qu’ils savent pas quoi faire de leurs mains. Laure propose l’hypothèse suivante : Étant donné qu’ils sont courbés, Gustave, ils ont les bras ballants. Ils les mettent dans le dos pour ne pas les laisser trainer. Aussi, le fait de mettre les mains au niveau des lombaires permettrait un redressement salvateur et bienvenu de la colonne vertébrale. ». On propose d’aller interroger les personnes que nous voyons faire ainsi et mener notre enquête.

Merci à nos 4 participants.

Thomas : Tant que tu ronfles pas et que tu perds pas tes chaussures dans un fossé, on t’accueille.

Coralie : Si vous voulez tenter l’aventure à 4 dans le van + 1 enfant en bas âge, viendez!

Julie : Quand on revient à Eourres, on repart en bivouac ensemble

Lucas : On te recontacte pour ton plan de château abandonné en Espagne, ça nous changera du van.

Les lamas du miradou

Fuyant la côte et les métropoles azuréennes, on monte les lacets. La vue devient splendide et la mer nous accroche toujours un peu. Direction la ferme des Lamas. La pluie, le maître des lieux (appelons-le C.) et Vincent, l’autre woofer, nous accueillent, dans un cadre un peu déroutant. Pour cause, la maison est une ruine, suite à un incendie survenu quelques mois plus tôt. Une petite cabane cosy a été construite à la hâte pour que C. puisse rester près de ses lamas.

Premier contact avec les lamas, odeur de pop-corn au foin mal digéré. Reniflage de visage et de bonnet. On nous conseille de nous laisser faire car « il faut parler d’âme à âme » aux lamas. 7 quadrupèdes andins, en totale liberté (dans l’enceinte grillagée de la propriété). Ce qui n’est pas sans poser un léger problème de cohabitation parfois. Difficile de déplacer des poutres de plusieurs kilos quand un lama outré vous bloque la route.  Doudou-Felix est le plus curieux et le plus imprévisible d’entre eux. C’est un peu notre bully à nous. Il a craché plusieurs fois sur Laure ( » il est territorial c’est tout ») et mordu le pied de Pierre (« c est amical »). On apprendra plus tard qu’il a mordu un autre woofer jusqu’au sang la semaine précédente.

Notre activité principale pendant notre visite est de construire une salle de bain pour les woofers entre deux remplissages d’auge de lamas et ramassage de foin. Difficile de mener notre tâche à bien entre la désorganisation, le froid, le manque de matériel et la présence continue des lamas…

Le premier jour, nous faisons une séance de yoga. Malgré le froid, nous arrivons à nous détendre et à méditer. Révélation lucide pour Pierre avec les sonorités du gong et des bols tibétains ==> « Je peux grimper du 7b! »  La falaise en décidera.
S’en suit notre première nuit à 1600m dans le van avec bonnets et collants. Réveil sous la neige.
Après quelques jours, nous marchons à la découverte des environs. Nous y trouverons une station de ski qui semble avoir subi une zombie apocalypse. Nous ferons l’ascension du Mont Authion – le 2000m des Alpes le plus au sud -, vue sur la mer magnifique et défilé ininterrompu de ruines de casernes – vestige des tensions franco-italiennes de la fin du XIX ème siècle. La nature ici est sauvage. On verra beaucoup d’oiseaux migrateurs, de rapaces et de chevreuils. Mais aussi des preuves du passage de loups, sous la forme caractéristique d’os rongés, laissés lisses.
De retour au col de Turini, nous sommes surpris par les bruits de moteurs et des foules arrêtées sur le bord de route. Aie nous sommes en plein sur le passage du rally de l’Escarene. Il y a beaucoup trop d’humains, de vacarme de rupteurs. On ne se sent pas tout à fait dans le move mais ce contraste est amusant.
Quelques festivités pour le dernier jour. Un barbecue (de la viande et de la bière!!) est organisé pour l’anniversaire d’un ami de C.  Du djembe et des cloches tibétaines, une explication de fonctionnement d’une hutte de sudation, saupoudrée de spiritualité mexicaine, un japonais perdu et incompréhensible qui se fait cracher dessus par Doudou-Felix (et qui n’a toujours pas compris que ce sont des lamas et pas des chameaux), une session de musique mystique qui nous fait prendre la poudre d’escampette. Un au-revoir très poli au maitre des lieux, aux invités. Nous sommes presque loin… Portail fermé. Il faudrait faire demi-tour, aller demander les clés. Mais n’y tenant plus, nous escaladons le grillage précipitamment . Vive la liberté!